Matérialisme et métaphysique : Diderot, Maupertuis, Dom Deschamps

Annie Ibrahim

Matérialisme et métaphysique : Diderot, Maupertuis, Dom Deschamps

Paru en janvier 2021

Société Française de Philosophie - Bulletin de la Société Française de Philosophie

Disponible
Prix : 11,00 €
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46 pages - 15,5 × 24 × 0,3 cm
ISBN 978-2-7116-5093-4 - janvier 2021

Présentation

Nombreux sont les matérialismes qui ne se sont pas tournés vers la métaphysique pour y chercher leur principe ou leur fondement. Bien plus, ils l’ont rejetée, considérant qu’elle n’allait pas sans l’aveu d’un dualisme entre matériel et spirituel, d’une puissance créatrice transcendante et d’une croyance en la finalité de l’ordre. Si l’on peut reprocher aux métaphysiciens d’avoir réduit l’affirmation de l’existence de la matière et de sa puissance de production à un physicalisme, les matérialistes, eux, ont assimilé leur réprobation de la métaphysique à un refus de l’onto-théologie.
Faut-il dès lors redéfinir et le matérialisme et la métaphysique pour saisir le gain théorique et pratique effectué par un régime de pensée qui construit leur improbable association? En un lieu et en un temps circonscrits par le siècle des Lumières françaises, des philosophes acquis au matérialisme sont des témoins privilégiés de cette tentative. Diderot la revendique dès l’article « Métaphysique » de l’Encyclopédie : « C’est la science des raisons des choses. Tout a sa métaphysique et sa pratique; la pratique, sans la raison de la pratique, et la raison sans l’exercice ne forment qu’une science imparfaite. Interrogez un peintre, un poète, un musicien, un géomètre, et vous le forcerez à rendre compte de ses opérations, c’est-à-dire à en venir à la métaphysique de son art. […] Il n’y a guère que ceux qui n’ont pas assez de pénétration qui en disent du mal ». Cela à condition d’une redéfinition qui renie la « science méprisable » des abstractions vides et décide de la considérer sous « son vrai point de vue ».
Des Pensées philosophiques (1746) à l’Histoire des Deux Indes (1780) se développent une théorie de la genèse et de l’organisation du vivant, une morale et une politique matérialistes tributaires de l’hypothèse métaphysique de la sensibilité universelle de la matière. Autour de son dialogue avec Diderot, Maupertuis, de la Vénus physique (1745) à l’Essai de philosophie morale (1751) et l’Essai sur la formation des corps organisés (1754), dessine dans les marges de l’Histoire naturelle de Buffon un absolu continuisme et un vitalisme organiciste qui confinent à un antispécisme.
Dans l’éloge modéré qu’il fait de ce même Maupertuis, le considérant comme une « demi-lumière », Dom Deschamps, des Lettres sur l’esprit du siècle (1769) au Vrai système ou le Mot de l’énigme métaphysique et morale (1770), indique qu’« il faut entièrement nettoyer la place » et revendique une métaphysique de la désappropriation radicale, tant au plan des êtres naturels que de l’état social.

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