Platon et la pensée de l'image, entretien avec Elsa Grasso et Anca Vasiliu

02 avril 2024

Ouvrage dirigé par Elsa Grasso et Anca Vasiliu (Vrin, 2023, collection « Bibliothèque d'Histoire de la philosophie », 378 p.)
Contributeurs : E. Grasso ; Franco Ferrari ; Francisco J. Gonzalez ; Christoph Poetsch ; Lidia Palumbo ; Olivier Renaut ; Benedetto Neola ; Raluca Bujor ; Irmgard Männlein-Robert ; Karel Thein ; Francesco Fronterotta ; Catherine Collobert ; Anca Vasiliu.

Vrin : Ce volume collectif rassemble treize contributions autour de la pensée platonicienne de l’image, et réunit des chercheurs de plusieurs pays. Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse de l’ouvrage et nous expliquer en quoi il se distingue des études de l’image des dernières décennies, comme vous l’affirmez dans l’Avant-propos ? (p. 11)

Anca Vasiliu : L’ouvrage est né de la rencontre entre deux manières d’envisager le thème de l’image qui étaient proches tout en n’étant pas identiques. Elles étaient proches sur au moins deux points : d’une part, une certaine lecture philosophique des Dialogues de Platon, attentive à tous les aspects impliqués dans l’argumentation et dans l’écriture, sans écarter les moyens sensibles au profit des thèses et des concepts ; de l’autre, le refus de considérer que le thème de l’image est secondaire dans la philosophie platonicienne, qu’il est relégué au statut des faux, des jeux rhétoriques, des mises en scène et des spectacles mythologiques, et qu’il se dilue dans une multiplicité de traitements concernant l’art et les techniques artistiques, la dénonciation récurrente des dangers de la mimétique, l’usage des métaphores et des allégories, les emprunts aux mythes ou leur invention. Elsa Grasso et moi-même partagions deux manières proches de lire Platon avec un intérêt particulier pour le thème de l’image, et nous nous rencontrions dans le refus de considérer ce thème comme relevant de l’esthétique et comme mineur pour la pensée platonicienne et pour la philosophie elle-même, comme discipline. Nous avons décidé de nous en expliquer en invitant plusieurs collègues à nous rejoindre autour d’une réflexion portant très précisément sur ce qu’est l’image dans les Dialogues et sur ce que Platon lui fait dire et faire sur le plan strict de la pensée. Nous avons pour cette raison choisi une voie étroite et à l’écart des tendances exprimées dans nombre d’autres travaux à ce sujet.

Une bonne partie des études qui abordent le thème de l’image chez Platon ne font pas en réalité une distinction claire entre les usages conjoncturels des exemples empruntés aux différents arts, les allusions à des peintures ou des statues, l’utilisation des métaphores, la présentation parfois détaillée des figures géométriques, l’évocation des personnages mythologiques, la description des vastes scènes appelées « allégoriques » (bien que ce terme ne soit pas adéquat pour Platon), et la discussion concernant la typologie des images et leur usage dans une démarche philosophique ou dans un discours (sophistique, paidétique, anagogique ou politique). Une autre partie parmi les travaux dans lesquels l’étude de l’image figure en bonne place sont des travaux qui ne visent pas la philosophie mais l’histoire culturelle de l’Antiquité. Le genre des « études visuelles » (visual studies), à la mode depuis une trentaine d’années, extrait des Dialogues des exemples qui présentent le travail artistique et discutent de la place de l’artisan dans la vie de la Cité, en les mettant souvent en relation avec le fameux « refus » de Platon d’octroyer une place à l’artiste dans « sa » République. Souvent, la dénonciation de ce refus s’accompagne de comparaisons anachroniques et de conclusions critiques quelque peu hâtives puisqu’elles ne sont pas construites sur une analyse précise des textes et de leur enjeu.

Certes, je présente de manière schématique ces deux tendances des études de l’image dans la philosophie de Platon, afin de souligner la différence dans laquelle nous avons voulu inscrire le projet de notre ouvrage. Le but a été de serrer au plus près l’intégration de la notion d’image, et conséquemment celle de reflet, trace et empreinte, dans l’élaboration des différents pans de la pensée philosophique et dans la construction du discours spécifique. De voir ainsi comment l’image participe non seulement à l’exercice pédagogique, mais aussi, et fondamentalement, à la définition de « ce qui est » (l’étant), dans l’analyse du langage et de la construction discursive, dans l’accès aux formes et aux intelligibles, dans la cosmologie, dans les approches de l’âme, dans la détermination des vertus, en somme à tous les domaines classiques de la philosophie tels que Platon les met en place et en dessine les contours. Pour cette raison nous avons demandé aux contributeurs d’aborder les différents aspects de la pratique philosophique pour laquelle Platon recourt explicitement aux multiples sortes d’image et de rester le plus proche possible du débat philosophique mené dans les Dialogues eux-mêmes, sans faire appel aux différentes interprétations données par les courants platoniciens de l’époque hellénistique et de l’Antiquité tardive.

 

Vrin : Nombreux sont les termes grecs qui peuvent se traduire par le terme français d’image : eidôlon (εἴδωλον), eikôn (εἰκών), phantasma (ϕάντασμα), tupos (τύπος), sont notamment étudiés dans ce volume. Que recouvrent ces distinctions, si tant est que l’utilisation de ces termes soit déclinable d’un dialogue à l’autre ?

Elsa Grasso : Rencontrant les contrastes qui animent le lexique de l'image, et en particulier les termes qui sont les plus importants dans les Dialogues et que vous rappelez ici, les contributeurs de ce volume en analysent des aspects à la fois essentiels et très différents : au risque d'une énumération un peu pesante, il s'agit de perspectives ontologiques, physiques ou cosmologiques, anthropologiques et éthiques, esthétiques bien sûr, épistémologiques, ou encore théologiques. À l'amplitude du champ dans lequel opère la notion d'image s'ajoute la dimension antithétique que peuvent revêtir sa fonction et sa valeur. Cette importance et cette complexité ne surgissent bien entendu pas du seul génie du penseur Platon. La diversité et le foisonnement sémantique qu'offre la langue grecque pour désigner l'image orientent et nourrissent les réseaux de sens et les directions opposées qui constituent la pensée platonicienne de l'image. Les idées de duplication, de reproduction ou même de reflet, qui nous viennent du latin et que nous associons spontanément dans nos langues modernes au terme « image », ne constituent qu'une partie étroite de tout ce que le grec, et la pensée platonicienne qui s'y forme, pensent et expriment dans le large éventail des mots que nous pouvons traduire par ce terme. Le caractère trompeur et presque fantomatique déjà présent dans le phasma et l'eidôlon homériques est évidemment très prégnant dans les Dialogues : phantasma, eidôlon, comme l'adjectif phantastikon, y conservent cette connotation d'irréalité, d'objet tout ensemble extraordinaire ou relevant du surnaturel, comme le soulignait Jean-Pierre Vernant, et en même temps lesté d'une réalité moindre ou trompeuse, double caractère qui pouvait dans la poésie homérique être attaché à l'apparition onirique, à la manifestation impromptue et déguisée d'un dieu, ou aux âmes évanescentes des morts que tente d'étreindre Ulysse aux Enfers. Cette dimension, très profonde anthropologiquement, très inscrite dans une forme de religiosité populaire et dans une certaine phénoménologie spontanée de l'existence ordinaire, cette dimension donc deviendra avec Platon une part constitutive de la métaphysique hiérarchisée que l'on connaît, où l'infériorité en termes de consistance ontique de l'image, fantôme-apparition, devient le principe ou le nerf de la graduation des étants en « réellement êtres » ou, au contraire, « non véritablement étants ».

Mais — et c'est directement l'objet auquel j'avais consacré une très longue étude doctorale bien avant cet ouvrage (commencée dans les années 1990 et qui s'est achevée en 2003), ce pourquoi je n'y suis pas revenue directement dans ce volume —, la pensée platonicienne est particulièrement marquée par une dualité de la valeur et de la fonction de l'image, dualité que vient exprimer sur un plan lexical une opposition entre les termes s'inscrivant dans le groupe de mots attachés à l'idée d'apparaître et à celle de vision d'une part, et ceux qui disent essentiellement l'idée de conformité, d'adéquation, de fidélité de l'image — qu'elle soit naturelle ou fabriquée de main d'homme — à son original ou à son modèle. De ce point de vue, eidôlon (qui renvoie à l'idée de vision) peut être très souvent marqué négativement, et phantasma (qui exprime comme le phasma homérique l'idée d'un apparaître potentiellement ou partiellement, sinon totalement, trompeur) est aussi la plupart du temps attaché à une forme inférieure d'être, de vérité et de valeur éthique. Au contraire, seront requis pour signifier conformité et vertu épistémique, accompagnée ou génératrice de vérité, les termes désignant l'acte de ressembler (et non pas du seul paraître, ou apparaître) : les mots donc tels que eikôn, eikastikos, appliqué aux arts, à ces technai eikastikai qui représentent fidèlement un caractère moral ou un objet parfois divin (tel le vivant parfait, modèle divin sur lequel notre cosmos a été formé, eikôn elle aussi divine et d'une beauté parfaite), ou encore le mot tupos qui connote l'idée d'une empreinte fiable et dotée d'une puissance à la fois épistémique, psychique et paidétique, et même théologique. Ces termes, donc, renvoient à l'attachement platonicien pour la vertu active et philosophiquement féconde des images. Il est particulièrement stimulant de voir combien, et comment, chacun des contributeurs de ce volume a rencontré, découvert dans les textes et analysé les significations et les nuances, porteuses de directions philosophiques très antithétiques parfois mais faisant sens vers la même ligne de force de la pensée platonicienne, de ce faisceau lexical à la fois ample et bien dessiné.

 

Vrin : Les Dialogues de Platon sont « puissamment visuels », rappelez-vous en conclusion (p. 311). Au point peut-être que les images prennent le pas sur l’analyse conceptuelle. Franco Ferrari reprend ainsi le reproche qu’Aristote a adressé à Platon, celui d’avoir recours à un discours dépourvu de la précision conceptuelle et terminologique nécessaire au philosophe (p. 63 sq.). A-t-on réellement affaire à une pensée plus figurative que philosophique ?

Anca Vasiliu : Non, la pensée de Platon n’est pas une pensée figurative, tel que le serait un roman ou un poème philosophique. Si elle l’était, la critique d’Aristote, rappelée par Franco Ferrari, serait justifiée. Mais Aristote est souvent tendancieux dans les critiques qu’il adresse à Platon ; il les formule d’ailleurs d’une façon qui ne laisse pas de doute sur son but, celui de défendre ses propres positions, même quand celles-ci ne sont pas contraires à celles défendues par Platon mais relèvent plutôt d’une sorte de continuité. C’est de la bonne guerre d’école(s).

Pour ma part, j’entends une tout autre chose quand j’affirme que les Dialogues sont « puissamment visuels ». Les Dialogues donnent à voir lorsque Socrate, Timée, l’Étranger d’Élée prennent la parole et tiennent des discours ou font des récits, tels que la cosmogonie du Timée ou la palinodie du Phèdre. Comment ? Platon l’explique, et théorise à certains moments cette capacité de donner à voir qui doit définir le périmètre précis du langage dans son hypostase et dans son acte philosophique. Dans certains textes tels que le Sophiste ou la « digression philosophique » de la Lettre VII (bien que l’authenticité de celle-ci soit contestée), textes que j’ai choisi de commenter dans l’article final du volume, cette capacité du langage provient de sa mise en condition afin d’exprimer l’intellection au plus près des facultés intellectives qui sont l’imagination, l’exercice de la mémoire et la contemplation, toutes faisant fond sur l’usage des images, ainsi que de la capacité réflexive propre à l’âme et à la pensée, capacité qui libère cette dernière (la noêsis) du régime imposé par l’expression linguistique. Le recours aux données visuelles est censé conduire explicitement vers une mise en concurrence du langage avec la perception et avec une intellection de ce qui dépasse les procédés discursifs et la raison discursive elle-même. Ce dépassement ne signifie pas que les arts du langage (la rhétorique et la dialectique) ne fassent pas eux-mêmes recours aux images (la démonstration du Sophiste en est exemplaire), ni que la raison discursive ne recourt elle-même à des procédés relevant du miroitement, de la ressemblance et de la construction de représentations vraisemblables. Ces usages sont analysés et la typologie des « visibles » est établie dans certains Dialogues avec la précision subtile qui caractérise le lexique grec, lui-même « puissamment visuel ». Mais la critique qui consiste à considérer l’image superflue en philosophie en raison de son imprécision conceptuelle relève de notre incapacité non seulement de distinguer et d’exprimer avec la même souplesse linguistique les impressions visuelles et leur implication dans la perception et dans la connaissance des choses, mais aussi à accepter que les limites du langage n’impliquent pas nécessairement une limite de notre accès aux données de l’intellection. La structure dialogale elle-même met au défi le langage en indiquant sa condition, celle d’expression du vivant, mais signifie aussi l’irréductibilité du vivant à cette seule expression et la nécessité de saisir dans la confrontation entre la parole et l’image un tout qui les englobe sans mot dire.

 

Vrin : On associe ordinairement la théorie platonicienne avec une pensée critique des images qui renvoient au sensible et dotées d’un statut ontologique inférieur aux idées, pour le dire rapidement. Vous en parlez cependant comme d'une notion structurante de la philosophie de Platon, aux vertus pédagogiques, heuristiques et éthiques, notamment. Comment concilier ces différentes approches de l’image à l’œuvre chez Platon ?

Elsa Grasso : La lecture qui fait de Platon le premier des contempteurs de l'image est à la fois évidemment fondée, et scolaire. Et comme toute lecture scolaire elle est partielle et, d'une certaine façon, fausse. La critique platonicienne de l'image est certes aussi ample qu'explicite, et ses prolongements et héritages dans l'histoire de la pensée seront colossaux. Si l'on regarde de près, dans les Dialogues, les passages représentatifs les plus connus, le nerf ou le principe dynamique de la critique se révèle élémentaire et comme prélevé dans la langue et la pensée les plus communes, mais lesté avec Platon d'une force de création théorétique et métaphysique extraordinaire. C'est lui le premier qui, dans l'histoire de la philosophie, hausse une intuition commune, celle selon laquelle l'image « n'est pas le vrai », au statut de thèse philosophique et presque de dogme métaphysique. Platon reprend l'expression du langage courant, toujours usuelle dans nos langues modernes, selon laquelle l'image n'est pas l'alêthinon, de fait pensé par tout un chacun comme le "véritable", et que nous désignons encore, nous aussi, comme « vrai » au sens de « réel » (true ou real, vero ou echt). Il l'établit comme un principe métaphysique, qu'il développe dans son œuvre de façon sinon systématique, du moins constante. Mais c'est lui aussi qui prend soin, dans tous les textes où il propose des définitions de l'image, de préciser qu'il faut assortir cette infériorité d'un second caractère définitionnel, qui est la ressemblance.

Sous le premier aspect, l'infériorité de l'image doit être pensée, pour le dire de la façon la plus concise possible, en termes d'être et de vérité : ce sont les deux termes précisément qu'associe le Socrate de la République dans l'analogie fameuse du Soleil-Bien. Il s'agit d'une infériorité ontologique, selon le principe d'une structure hiérarchisée de l'être qui constitue la pensée académique la plus constitutive de l'auteur des Dialogues, et il s'agit plus précisément d'une infériorité de nature métaphysique, puisque les opérateurs ou les mesures de cette hiérarchie sont tout ensemble l'être et la vérité, les deux étant précisément impossibles à disjoindre pour l'auteur de la République ou du Phédon. L'image est moins réelle que quelque chose d'autre (qui en réalité est tout sauf autre, puisqu'il est « la chose même »), cela revient à dire qu'elle est moins vraie, ou qu'elle n'est pas le vrai. Ce caractère « vrai » ici est à la fois distinct du caractère « étant », et en même temps il tend à se confondre avec lui : ce n'est pas une vérité logique appartenant au discours, mais une vérité qui permet précisément de penser qu'il y ait des degrés dans l'être, et qu'une hiérarchie ordonne, au sein d'un tissu métaphysique, ce qui est vraiment, l'ousia si l'on veut, et ce qui est moins, ou non véritablement : les apparences.

Mais l'image n'est précisément pas seulement une apparence ; sa puissance et son caractère « glissant », comme le dit l'Étranger du Sophiste, tiennent à ce qui lui donne sa valeur, et qui fait d'elle véritablement une image : il s'agit donc du deuxième caractère définitionnel, la ressemblance. Sous le premier aspect, l'image est un paraître sans consistance ; sous le second, elle est une réplique ou une représentation porteuse de la nature ou de la forme, comme empreinte conservant une dimension du sens ou de l'essence, sans la réalité consistante de l'original : de façon originelle, et presque matérielle, un tupos. Avec cette détermination très simple de ce qui constitue toute image, c'est toute la métaphysique de Platon qui peut se déployer, dans la mesure où la participation des particuliers aux formes est pensée comme relation iconique – de façon métaphorique sans doute, mais précisément la métaphore fait effet et structure la pensée. Mais ce qui est remarquable est que la gnoséologie platonicienne, sa philosophie de la connaissance, suit le même mouvement : elle n'accorde certes à l'image qu'un statut d'autre par rapport à la connaissance ratio-intellectuelle, seule valable, mais en même temps elle se désigne comme une réplique, un décalque qui entretiendrait avec son objet, cet être qui est l'objet de la dialectique, une même relation d'altérité, d'infériorité, conjointe à une approche par ressemblance ou par conformité. C'est la raison pour laquelle la valorisation gnoséologique de l'image se développe chez Platon dans des emplois pédagogiques ou illustratifs, ou des valeurs heuristiques d'exemple ou d'analogie stimulant la recherche et aidant à la découverte ; mais plus encore, le discours philosophique est lui-même pris dans ce schème de l'image conforme, lors même qu'il condamne l'image au nom de son impossibilité de coïncider avec la découverte du vrai, dans la mesure où, comme la Lettre VII le dira, il se déploie discursivement dans le champ de l'image comme ce qui seul nous permet communément non pas de penser l'être, mais de le dire, de le faire apparaître dans les mots. La valeur structurante de l'idée d'image chez Platon, ou, ce qui revient fondamentalement au même, de la relation iconique, tient donc à sa puissance de fournir le mode de représentation ou le schème qui structure la réalité elle-même, mais qui vient aussi nourrir la puissance représentative du discours, et enfin celle de la formation paideutique ou psychagogique, éducation de l'âme qui se poursuit, de la République aux Lois, dans des modalités éthiques et politiques, par le rapport aux œuvres d'art tout particulièrement, dont la puissance mimétique façonne l'homme et le citoyen toute leur vie.

Propos recueillis par Emilie Brusson le 2 avril 2024

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