Bogoro

Franck Leibovici et Julien Seroussi

Bogoro

Paru en octobre 2016

Questions Théoriques - Réalités non couvertes

Disponible
Prix : 20,00 €
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384 pages - 18 × 22 cm
ISBN 978-2-917131-46-6 - octobre 2016

Présentation

Bogoro est un village en Iturie, dans l’est du Congo, où se sont déroulés des massacres. Germain Katanga et Mathieu Ngudjulo ont été accusés d’avoir organisé l’attaque du village, le 24 février 2003, d’avoir utilisé des enfants-soldats, attaqué des populations civiles, laissé perpétrer des violences sexuelles et des actes de pillage.
Outre que Bogoro raconte ainsi une histoire contemporaine mal connue de l’Afrique de l’est, conséquence directe du génocide tutsi au Rwanda, ce texte permet aussi et surtout de comprendre comment s’invente aujourd’hui la justice internationale pénale : elle tâtonne, « bricole », comme aurait dit Michel de Certeau. Sa volonté d’être vraiment internationale la contraint à un dispositif technique très particulier : aux procédures théâtrales qui assurent la protection des témoins par leur anonymisation (la voix est transformée, un rideau est tiré entre le témoin et les accusés) se mêlent des traductions simultanées, des transcripts qui défilent sur écrans – autant de dispositifs qui imposent un débit de parole et une rhétorique propre à cette arène de la justice internationale (parler lentement, attendre 5 secondes entre chaque locuteur). Elle doit donc naviguer entre les glitchs technologiques (les casques ne fonctionnent pas, les écrans se bloquent, les traducteurs sont perdus), tout en faisant très attention à ne pas apparaître comme une justice nord-européenne rejouant une nouvelle forme de colonialisme, cette fois juridique, envers des pays d’Afrique, anciens membres de « L’Empire ». Car les catégories juridiques de la CPI cadrent parfois mal avec le discours des témoins, fussent-ils ceux de l’accusation : la magie et les fétiches sont des catégories difficilement reçues par la cour, alors que la définition même des liens de parenté et les descriptions toponymiques ou topographiques de base semblent faire défaut et minent les charges posées par le procureur à l’encontre des accusés.
Ainsi, Bogoro rend compte de l’écart culturel entre différents mondes et décrit la tentative, souvent fragile, parfois maladroite, d’une justice qui se voudrait vraiment internationale.